Émission du projet mosaïque
Leur Histoire, notre Mémoire
VINCENT : Bonjour à tous et bienvenue dans l'émission « Leur Histoire, notre Mémoire. » J'ai l'honneur de présenter cette émission avec Léa, Bastien, Faudel, Fatima, Dagmar et Andréa. Bonjour à tous.
TOUS : Bonjour !
LEA : Bonjour Vincent et merci à vous tous, qui êtes chez vous, de regarder notre émission.
Aujourd'hui nous allons parler d'un événement marquant de l'histoire la Seconde Guerre Mondiale, nous allons tenter de vous raconter la libération des camps.
VINCENT : En effet, nous allons tâcher de vous expliquer comment ont été libérés ces camps, ce qu'on y a découvert et comment s'est déroulé le retour des survivants.
Pour aborder ce sujet, nous avons la chance de recevoir sur notre plateau, une rescapée Mme Claveau, veuillez l'accueillir chaleureusement !
LOUISE : Merci, merci beaucoup.
LEA : Merci d'être venue témoigner.
VINCENT : Pour les personnes qui ne vous connaissent pas pouvez vous vous présenter ?
LOUISE : Je m'appelle Louise Claveau, j'ai été enfermée dans le camp des milles en 1940 avec mes parents, mon frère et ma sœur parce que nous étions de religion juive. Mais en 1945 seule ma sœur et moi avons été mises dans ces fameux trains pour le camp d'Auschwitz.
LEA : Donc il faut le dire : c'est une chance pour nous de vous avoir aujourd'hui parmi nous car les témoignages et les preuves de ces massacres sont si rares !
LOUISE : Oui, les Allemands ont tout fait pour cacher ce qu'ils pouvaient durant et après la libération des camps.
VINCENT : Alors bien sûr la question qui nous brûle tous les lèvres est : « Comment vous en êtes vous sortie ? »
LOUISE : Cela faisait maintenant 15 jours que j'étais dans le camp d'Auschwitz...
IMAGE D'archives
C'était le 27 Janvier 1945. J'avais perdu près de 10 kilos et rien que le fait de me lever était devenu un supplice. Nous n'étions plus très nombreux dans le camp. Beaucoup de mes camarades de détention sont morts de faim ou alors amenés par les Allemands, j'ai appris plus tard qu'on appelait ça « les marches de la mort ».
Je pensais être la prochaine à mourir de faim ou du Typhus quand une nuit, un groupe de personnes qui était là bien avant moi vint en courant et me dit : «C'est fini ! »
LEA : Je n'ose pas imaginer ce que vous avez ressenti à ce moment là !
LOUISE : Sur le moment je ne ressentais rien en fait…. Je ne réalisais pas, j'étais affaiblie, affamée, épuisée et j'étais surtout choquée par ce qu'il était en train de se passer
VINCENT : Et donc comment s'est passée votre libération ?!
LOUISE : Deux soldats russes sont arrivés et nous ont mis en quarantaine moi ainsi que deux autres jeunes femmes. Des médecins passaient régulièrement pour nous soigner et s'occuper de nous. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés dans cette situation mais petit à petit je reprenais des forces et je reprenais du poids. Malheureusement ce n'était pas le cas pour tout le monde, l'une des deux jeunes filles qui était avec moi est morte.
Image d'archives
LEA : Comment vous êtes vous sortie de cette situation ?
LOUISE : Ce n'est pas moi qui suis sortie de mon plein gré, un jour les deux mêmes soldats russes sont venus nous sortir de cette pièce si sombre, et c'est ce jour là que j'ai retrouvé l'espoir de rentrer chez moi.
VINCENT : Mais je suppose que ça ne s'est pas fini comme ça. Comment avez-vous fait pour rentrer puisque vous étiez seule à ce moment-là ?
LOUISE : J'ai commencé par faire beaucoup de recherches pour retrouver ma famille. Ma sœur, j'ai l'espoir qu'elle soit en vie mais les Allemands ont détruit de nombreuses preuves de ce massacre, et je n'aurai jamais la certitude qu'elle ait été tuée. En revanche j'ai fini par retrouver mon frère ainsi que mes parents… sur un avis de décès.
IMAGE D ARCHIVE
LEA : Ça a dû vous faire un choc ! Vous êtes devenue orpheline du jour au lendemain comment vous en êtes vous sortie ?
LOUISE : Cela a été très dur les premières années. Je vivais vraiment au jour le jour, sans savoir si je pourrai manger le lendemain matin. Je cherchais du travail mais j'essuyais refus sur refus. Je n'avais pas ou peu de vie sociale. Heureusement quelques années plus tard ,j'ai fait la connaissance de mon défunt mari.
VINCENT : Qui était-il ?
LOUISE : C'était un jeune commerçant, il tenait un petit restaurant et m'a embauchée comme serveuse.
LEA : Et vous êtes restée serveuse ?
LOUISE : Oui, à cause de la guerre, je n'ai jamais pu finir mes études et le plus important, à ce moment là, était pour moi de gagner un peu d'argent pour vivre. Et heureusement, j'ai réussi à vivre grâce à ce métier. Il m'a permis de retrouver une vie normale. Même si je n'oublie pas.... J'ai appris à vivre avec mes souvenirs et mes cauchemars. J'ai décidé de vivre malgré tout et j'ai été heureuse avec mon mari et mes enfants.
VINCENT : Moi je dis que vous pouvez applaudir cette femme pleine de courage !
LEA : Eh bien, on vous remercie infiniment de nous avoir fait l'honneur de votre présence et d'avoir bien voulu répondre à nos questions.
LOUISE :
Je le fais volontiers car j'estime que j'ai le devoir de raconter cette abomination : je suis en quelque sorte un passeur de mémoire... Et j'espère de tout mon cœur que nos enfants et petits-enfants le seront à leur tour !
LEA : Encore un grand merci !
Essayons à présent de comprendre comment nous avons pu obtenir des photographies et des témoignages historiques de cette effroyable période.
BASTIEN : En fait, les soldats qui libèrent les camps et les journalistes invités prennent rapidement de nombreuses photos qui vont être publiées, dans la période de mars à août 1945, principalement. De plus, on a récupéré des clichés pris par les nazis eux-mêmes
DAGMAR : Nous avons un témoignage qui nous montre combien les survivants des camps ont été marqués leur vie durant. Je trouve particulièrement émouvante l'histoire de cet homme qui a gardé, toute sa vie, un papier plié dans son portefeuille, comme s'il était devenu une part de son identité, un étrange papier d'identité.
FATIMA : La libération des camps présente une vision horrible de corps décharnés, de cadavres entassés dans la puanteur et les poux. Les citoyens allemands découvrent alors cette triste réalité. Je vous laisse juger de leur réaction à l'aide de ce petit documentaire.
DOC SCENE DECOUVERTE DES CAMPS PAR TROIS ALLEMANDES
Les témoignages, photographies et films montrent que les premières personnes à avoir été libérées sont les soldats combattants, les infirmiers militaires ou les journalistes conditionnent encore.
BASTIEN :De plus, de nombreux déportés continuent de mourir après la libération des camps, trop faibles pour revenir à la vie malgré le fait qu'ils aient été soignés par les unités médicales correctement équipées mais non préparées psychologiquement à cette découverte brutale de l’enfer des camps.
ANDREA : Ainsi, malgré les consignes strictes, des membres des services médicaux et sanitaires donnent « trop » à manger à des personnes dont l’estomac n’est plus préparé à cette abondance, ces actes entraînent malheureusement la mort des déportés nouvellement libérés. En effet, on estime que près de 20 % des déportés morts en camp l’ont été dans les jours et les semaines qui ont suivi leur libération.
DAGMAR :Après avoir été libérés, les déportés n'ont pas pu tout de suite regagner leur pays d'origine par exemple, ceux qui ont été libérés par les Russes sont emmenés vers Marseille et ceux qui ont été libérés par les Américains sont emmenés vers Paris puis mis en quarantaine. La plupart du temps les déportés ont dû séjourner dans des hôpitaux proches de leurs camps de concentration en raison de leur santé catastrophique. Ces séjours ont permis aux déportés de reprendre les forces nécessaires pour envisager un retour dans leur pays d'origine.
FATIMA : Suite à leurs séjours en hôpital, pour certains, il est temps de rentrer dans leurs pays d'origine. Ces retours se font parfois en avion, le plus souvent dans des trains ou des camions.
FAUDEL : Le retour des déportés vers la France est donc à la fois une histoire collective, marquée par le principal centre d’accueil à Paris, et une multitude d’histoires individuelles, différentes les unes des autres par leur déroulement et leur ressenti.
ANDREA : L’arrivée en France est empreinte d’émotion. Là encore les situations personnelles doivent être prises en compte. Le sort du déporté accueilli par sa famille, par ses amis, par la population toute entière de sa commune parfois, est bien différent de celui du déporté qui rentre en ayant perdu presque toute sa famille et son logement, comme c’est le cas pour de nombreux déportés juifs.
BASTIEN : Le retour pose donc la question de la réintégration, qui passe souvent d’abord par une reconstruction physique et morale plus ou moins longue.
Nous vous proposons de regarder ce petit documentaire que nous avons retrouvé et qui évoque la difficulté de se reconstruire après avoir vécu de telles horreurs.
DOC SCENE REINSERTION DES DEPORTES
FATIMA :Si le point de vue des déportés peut être privilégié, il ne faut pas oublier ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont perdu un parent dans les camps nazis et qui attendront des semaines, des mois, parfois des années son retour.
FAUDEL : Après le retour, les rescapés tentent de retrouver leur vie et de se reconstruire. Comment reprendre des études, travailler, fonder une famille après la déportation ? Que faire du passé ? Il est nécessaire de témoigner.
BASTIEN : Nous avons eu la chance d'avoir la visite de la demi-sœur d'Anne Franck : Eva Schloss. Elle nous a fait part de son expérience. Eva est une rescapée du camp d'Auschwitz-Birkenau. Eva est la demie sœur d'Anne Franck : en effet, Otto Franck, le père d'Anne s'est marié avec sa mère.
FAUDEL : Le jour de ses 15 ans, elle est déportée, car juive, avec ses parents et son frère. Elle en sortira vivante. Au milieu des années 80, Eva décide de livrer son expérience de l'horreur nazie dans un livre autobiographique. Depuis, elle parcourt le monde pour témoigner notamment auprès des plus jeunes.
DAGMAR : Son témoignage est bouleversant. On aurait pu croire qu'en tant que survivante, elle allait être chaleureusement accueillie à son retour. Il n'en a rien été. Bien au contraire. Les maisons avaient été spoliées pendant leur absence. Les gens les regardaient avec méfiance et parfois hostilité. Cela a poussé les survivants à rester entre eux et elle s'est mariée avec un autre rescapé des camps de la mort. Elle dit que lui seul pouvait la comprendre. A partir de là, cela a été une renaissance : elle a pu reconstruire sa vie, fonder un foyer. Et puis est venu le temps du témoignage, le devoir de mémoire....
TOUS :
Et vous, chers téléspectateurs, qui nous regardez : n'oubliez jamais, soyez à votre tour les passeurs de mémoire !