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En ce moment-même, la lune m'éclaire de sa pâle lueur. Cet astre qui me rassurait les nuits moribondes dans les camps, de ses rayons à l'éclat faiblard a toujours veillé sur moi. Penchée sur mon visage diaphane, elle me regardait comme une mère observerait son tendre enfant dormir. Aujourd'hui, elle me regarde encore avec ces mêmes yeux sages. Son visage blafard m'inspire confiance depuis toujours, et même lors de la nuit où ils ont tué Papa, elle était là. Maman m'avait emmenée me cacher dans la cave de notre librairie. Le lendemain, sur notre notre vitrine était marqué « Jude » écrit négligemment en rouge, et près du mot que les gens craignaient, une étoile de David.

Depuis les choses sont allées vite. Peut-être trop vite pour que je comprenne.
Aujourd’hui je vois cette sphère cireuse dans l'étroit entrebâillement des planches du wagon, et elle me manque déjà. Je ne pense déjà plus à Papa qui gît à terre, s'étouffant avec son propre sang. Je ne pense plus au froid qui scie mes os, ni même à la faim qui me tenaille. Je ne pense même plus. Je me contente de dévisager la Lune.
Elle a toujours brillé, elle brille et brillera encore, et c'est ce qui m'apaise.
Que quelqu'un se cramponne aussi fort que moi à un croissant pâlichon me rassure, parce que c'est une bonne Mère la Lune, c'est une fidèle compagne et la meilleure de mes amis.
Une odeur pestilentielle surplombe le convoi de déportation. Un mélange âcre d'urine et de vomi.
L'odeur méphitique emplit mes poumons mais je suis bien au-delà. Mon esprit s'évade, et rejoint la Lune tout en haut. La quiétude apaise mes brûlures, infections et articulations gelées.

C'est magnifique.
 

 

 

 

 

 

Et je redescends.

Je me rappelle où je suis.

Où je vais.

Et les larmes ne viennent plus.
J'ai treize ans et on me conduit à la mort.
J'ai treize ans et je suis la plus âgée de ce wagon.

Ceci n'est pas une lettre d'amour à la Lune.
Ceci est une lettre d'amour à la vie.

 

 

 

 

Imane Moktaa

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