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Je suis morte.

 

Mais qui a dit un jour que rien ne se passe après la mort ?

Qui a osé imposer son idée farfelue à tous, certain de ce qu'il avançait ?

Oui, quelque chose se produit au moment où on vous chasse des ténèbres et que la Lumière vous accueille. On devient un être errant, dont la voix rauque rebondit sur les murs sans jamais atteindre l'oreille d'un vivant. Nos mains ne sont plus qu'un morceau de peau crevassée diaphane, translucide qui jamais plus ne caressera une joue, ne tirera de feuille dans les arbres, ne touchera l'eau tranquille des lacs.


Ma mort à moi, a été innommable. Odieuse. La faim m'écrasait les entrailles, me tordait les os et m'arrachait l'estomac pour le lacérer de ses serres impitoyables. Le froid me transperçait les os, gelait mes articulations, mes tendons, mes muscles et de ses lames sauvages, flagellait ma peau crevassée et crevait mes yeux secs. Finalement, je suis morte ainsi. Recroquevillée sur mon corps osseux. Attendant la mort.

J'ai traversé ce qui aurait pu être des égouts propres, d'une blancheur blafarde, et à la chaleur incontestablement surprenante, puis à la sortie de cet endroit insolite, je me suis retrouvée.

 

Lavée et nue, sur une table de fer. Un être fantomatique, face à un être qui n'est finalement plus. Habillée en tout et pour tout d'une couverture de papier blanchâtre.
Un homme en bleu m'a ouvert le ventre. J'ai avancé vers lui.
Il m'a vidé comme un vulgaire poisson de ses instruments de médecin complexes dont on tente tous vainement de deviner l'utilité . J'ai hurlé fort. Si fort.


Il a brisé mes os et les a simplement greffés sur un autre corps décharné. Alors, j'ai tenté de vomir.
Ce fut un lamentable échec.


Alors voilà à quoi sert mon corps ? Mon corps qui a traversé tant d'épreuves pour survire, qui s'est battu dans ces camps de travail, ces camps de la mort.


N'ont-ils aucune limite à leur vices ? N'ont-ils pas conscience de leur rôle dans ce désastre où s'entasse un monticule vertigineux de corps émaciés de personnes Juives, innocentes ?

Jamais je n'ai trouvé l'issue. La Lumière finale, celle qui vous envoie au Paradis. Si tant est que ce fameux lieu céleste existe.
Condamnée à errer, dans des lieux que je ne connais que trop bien, ces lieux où se sont déroulés des infamies déchirantes, qui briserait n'importe qui.

 


Je ne suis coupable de rien.

 

 

Pourtant Ravensbrück est ma prison.

 

 

 

Imane Moktaa

 

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